Ismaghil Ag ALHASSANE Président de l’Association de « Tifawt Timicroust Nakal/Tilalt – Niger (TTN/T – N) »

Des populations nomades parmi les plus vulnérables de la planète rêvent et croient, enfin, en un avenir moins sombre

De quoi rêvent les jeunes dans la zone d’Ib’Dnaza ?

Ils rêvent d’être comme les autres qu’ils voient, de temps à autre, venir avec leurs parents rendre visite à leurs familles,

De quoi rêvent leurs parents ?

Ils rêvent que leurs enfants comptent aussi un jour parmi ceux qui comprennent les évolutions et qui viennent régulièrement voir les familles en brousse, leur expliquer :

– les changements majeurs,

– la nécessité qui existe de rénover et innover,

– le comment s’adapter et adapter le mode de vie traditionnel aux conditions en cours pour continuer d’exister.

De quoi rêvent les rares ressortissants de la zone d’Ib’Dnaza qui ont eu accès à l’école et qui sont témoins de l’évolution des choses ?

Ceux parmi les rares qui, par chance, ont eu le privilège (pour ne pas dire la possibilité) d’aller à l’école et qui reviennent rendre visite aux familles rêvent de voir leur communauté :

– se positionner dans le temps présent,

– empêcher l’exode et la migration des jeunes vers d’autres horizons,

– s’intégrer dans les rouages de l’Etat,

– avoir accès à des conditions de vie descentes : espérer boire de l’eau potable, avoir accès aux soins,

– adapter leur économie locale aux changements en cours et sortir du joug de la précarité quotidienne,

– varier les sources de revenu

– sortir de l’analphabétisme pour anticiper sur les maux qui traversent bon nombre des sociétés et avant que ceux-là ne viennent atteindre leur communauté.

Tous ces rêvent étaient là !

Et la question de savoir par quelle voie passer pour arriver à les concrétiser était là aussi, lancinante !

L’espoir de délivrance, la perspective d’une solution :

En 2002 une coopérative Ekèw », ce qui signifie « Racine » en Tamasheq, langue des Touareg) fut créée grâce à des bonnes volontés sollicitées en Belgique. « Ekèw » est un organe qui regroupe les communautés vivant dans la zone d’Ib’Dnaza : Ib’Dnaza est le nom d’une mare semi-permanente qui dure jusqu’à 4 mois sur 12.

Pendant 4 ans, à la faveur de « Ekèw » des rencontres et des réflexions ont été menées au sein de communautés sur tous les problèmes qui assaillent la population locale et la recherche d’une voie durable de solution.

Un consensus s’est dégagé autour de l’importance de scolariser les enfants et donc la nécessité de créer une école.

Ah, la première difficulté ! Une école en milieu nomade où les gens se déplacent au gré du pâturage et des besoins des animaux ne peut fonctionner comme une école en milieu sédentaire où les enfants vivent chez eux avec leurs parents. Il faudra donc une école avec cantine et internat. Les populations se retournent à nouveau vers leurs partenaires belges qui, entretemps s’étaient constitués en Asbl « Tagast In Imawalane» : en Français « Sauvegarde des éleveurs nomades ») pour leur faire part de leur souhait et de leurs limites.

Forts de l’attention de « Tagast In Imawalane », les responsables de « Ekèw » adresse une demande de création d’une école communautaire en milieu nomade aux autorités régionales et effectuent toutes les démarches et les formalités nécessaires en cela. Ainsi naquit, en 2005, l’Ecole Communautaire d’Ib’Dnaza qui enregistre une affluence substantielle dès la 1ère année de sa création avec une parité filles/garçons où le nombre des filles est supérieur à celui des garçons.

Une fleur qui s’épanouit au milieu du désert :

Depuis sa création l’Ecole Communautaire d’Ib’Dnaza enregistre un effectif annuel variable entre 120 et 150 enfants : la première année 150 enfants étaient venus.

Aujourd’hui, près de 60 enfants en sont sortis : certains finissent leur collège dans divers établissements du pays. Quant à d’autres, ils préparent déjà la fin de leur secondaire (BAC).

Beaucoup manifestent leur intention de revenir servir chez eux à la fin de leurs études comme enseignants, infirmiers, forestier, vétérinaires, etc.

L’impact social positif de l’école se manifeste déjà : les élèves font la fierté de leurs parents à qui il arrive de se faire expliquer leurs papiers d’état civile (notamment les cartes d’identité). Le début d’une citoyenneté reconnue et assumée.

A la recherche des moyens pour assurer une autonomie à l’école :

Les communautés d’Ib’Dnaza prennent petit à petit conscience de la nécessité d’assurer par elles-mêmes le fonctionnement de l’école : nourriture des enfants, entretien des infrastructures, etc.

De 0 enfant pris en charge par les parents à la 1ère année de la création de l’école, elles sont aujourd’hui à une prise en charge de 45% de l’effectif de l’école : certaines familles sont venues installer leurs tentes tout autour. Un embryon de futur village des populations dans leur milieu naturel.

L’objectif visé est la prise en charge à 100% de l’école par la communauté dans un horizon des 3 ans.

Pour ce faire, après réflexion et suite à une expérimentation réussie, les populations ont retenu l’idée de créer une aire maraîchère : un terrain de 1,5ha est clôturé et protégé contre les dégâts des animaux qui jusqu’ici rendaient inimaginable toute culture sur le site. Cette future aire maraîchère est prévue pour assurer d’ici 3 ans l’intégralité de la nourriture des enfants : elle sera entretenue, travaillée et gérée par les parents qui produiront de la pomme de terre, des tomates, des oignons, des carottes, des salades, etc. L’excédent de productions sera écoulé sur les marchés de la région pour servir à l’achat des céréales, des pâtes, de l’huile et des ingrédients mais aussi à des activités de l’école tel que l’entretien des infrastructures scolaires quand c’est nécessaire.

L’obstacle de taille à l’heure actuelle pour l’opérationnalisation de l’activité est le moyen d’exhaure : trouver le financement d’un forage.

Les populations nourrissent l’espoir de voir très bientôt un mécène parmi les donateurs de leur partenaire, l’Asbl « Tagast In Imawalane », avoir de l’attention et accorder de l’intérêt à leur besoin de forage pour l’autonomie de leur joyau.  

Naissance d’une structure associative plus importante qu’une organisation coopérative :

Au fil des années et sur fond des contingences, les populations d’Ib’Dnaza ont pris conscience de la nécessité d’une structure associative plus élargie et plus solide qu’une organisation coopérative. Sur la base des multiples réflexions, elles ont opté et mis en place, en octobre 2018, une Association : Association « TIFAWT TIMICROUST NAKAL/TILALT – NIGER (TTN/T – N) » qui dispose d’un agréement de l’Etat du Niger.

« TTN/T – N » est composée de tous les anciens membres de la coopérative « Ekèw » et est élargie à d’autres personnes de la zone d’Ib’Dnaza.

Le partenariat entre les 2 associations, « Tagast In Imawalane » en Belgique et « Tifawt Timicroust Nakal/Tilalt – Niger (TTN/T – N) » au Niger, s’affirme et est de plus en plus prometteur.

Le Développement d’autrui ne se décrète pas du dehors, il se conçoit du dedans par autrui lui-même.

Ismaghil Ag ALHASSANE

Président de l’Association de « Tifawt Timicroust Nakal/Tilalt – Niger (TTN/T – N) »